42. L'ermite

A notre grand soulagement, il ne nous avait fallu que quelques semaines pour retrouver Rowen: il avait décidé de se réfugier dans une petite maison isolée, sur les iles Féroé. Nous avions décidé de nous rendre sur place mais, sans surprise, le magicien ne nous avait pas laissé l'approcher. Le champ de force placé autour de sa demeure nous maintenait à une distance telle que nous ne pouvions espérer nous faire entendre en criant.

Pour essayer de le décider à nous rencontrer, nous avons opté pour le siège: chaque jour, Elybiss patientait en face de ses fenêtres et j'allais la relayer à la nuit tombée, protégée du froid par mon champ de force. Chaque heure d'attente semblait durer une journée entière mais nous ne pouvions nous permettre de laisser tomber.

Cette guerre des nerfs avait duré près d'une semaine. Une nuit, j'étais tombée endormie sans m'en rendre compte. Ce n'est qu'en me réveillant dans une chambre inconnue au petit matin que j'avais compris que Rowen avait usé de ses pouvoirs me rendre inconsciente. Moi qui m'attendais à faire la rencontre d'un vieillard, qu'elle n'avait pas été ma surprise de voir entrer dans la pièce un séduisant jeune homme!

"Ah vous êtes réveillée!" Son ton sarcastique ne m'avait pas échappé. "Je vous prierais de descendre rapidement pour rejoindre votre soeur qui vous attend dans le salon. Vous veillerez ensuite à vider les lieux sans tarder, vous m'avez déjà assez importuné." La sécheresse de sa voix contrastait étrangement avec la douceur de ses traits. Je me suis hâtée de le suivre, espérant ainsi le mettre dans de meilleures dispositions. Lorsque je suis arrivée dans le salon, j'ai découvert avec horreur Elybiss attachée dans un coin. D'un mouvement de poignet, Rowen avait fait disparaitre les cordes: "Voilà, vous pouvez quitter ma maison maintenant. Et ne revenez pas."

Je me suis plantée en face de lui, espérant masquer l'inquiétude qui parcourait mes veines: "Il est hors de question de partir tant que vous n'aurez pas accepté de nous écouter. Nous avons besoin de votre aide, c'est d'une importance vitale." Je m'attendais à tout sauf à cet éclat de rire, amer et désabusé: "Vous voulez sans doute que je vous aide à vaincre le Sorcier? A libérer vos parents? A rétablir la paix sur Outremonde?"