37. Des conséquences inattendues

Aëlyse écrase une larme sur sa joue. Inspirant profondément, elle se lance dans le récit de sa rencontre avec Breena: "C'était à Londres, en mars 1892. A ce moment là, je commençais à me méfier sérieusement de Jack, le photographe. J'étais tellement tracassée par mes soupçons que je ne faisais plus attention à ce qui se passait autour de moi."

"C'était plus simple pour moi de me dire que toutes les autres filles étaient heureuses, que les conditions de travail offertes par Rémus avaient suffit à leur bien-être: après-tout l'argent entrait de façon régulière, offrant un semblant de sécurité aux modèles. D'après ce que j'avais entendu autour de moi, j'étais persuadée que c'était tout ce dont elles avaient besoin pour être bien mais je me trompais."

"Un soir, alors que j'avais travaillé plus tard que d'habitude avec Gaston, j'avais décidé de flâner un peu pour me changer les idées et je me suis promenée dans les nouveaux décors que nous avions reçu le jour-même. J'admirais leur qualité quand j'ai entendu un bruit un peu plus loin. M'avançant, j'ai découvert Breena roulée en boule par terre contre un mur. A l'époque, elle n'avait pas les oreilles en pointe comme j'ai pu le voir aujourd'hui."

"Elle tremblait, serrant ses bras autour d'elle pour essayer de se réchauffer un peu. Quand elle m'avait aperçue, elle avait vite tenté de sécher ses larmes mais c'était trop tard. Je l'avais déjà croisée et j'avais entendu dire qu'elle était très gentille, travaillant pour aider ses parents à subvenir aux besoins de sa famille. Elle semblait si désemparée que je me suis avancée pour la prendre dans mes bras, mue par le désir de la réconforter."

"Petit à petit, elle a réussi à s'apaiser et à m'expliquer qu'elle venait de se faire insulter par un client pour avoir repoussé ses avances. Il n'était pas rare que les acheteurs qui venaient chercher leurs clichés tentent d'obtenir un petit "extra" avec les modèles. Parfois cela marchait mais, la plupart du temps, ils étaient gentiment éconduits et les choses en restaient là. Mais pas cette fois."


"La grossièreté de l'homme l'avait déstabilisée et elle avait commencé à se remettre en question. Elle craignait qu'il ait raison de la traiter de prostituée: après tout, elle gagnait sa vie en étant dénudée. J'avais moi-même traversé cette période et je tentais de la réconforter comme je pouvais... Par les paroles d'abord puis..." Aëlyse se met à rougir et me tourne le dos pour tenter de dissimuler sa gêne. D'une pression sur l'épaule, je l'encourage à continuer son récit.

"Tu vois, dans ces cas-là, tu as surtout besoin d'affection. Besoin de savoir que quelqu'un t'apprécie telle que tu es, que tu es toujours digne d'être aimée. Breena s'est raccrochée à moi et moi à elle. Nous avions besoin de nous perdre en l'autre pour oublier, ne serait-ce qu'un instant, nos soucis et la rudesse du monde dans lequel nous vivions... Est-ce que tu comprends?" Elle me fixe, cherchant désespérément à lire une réponse dans mes yeux.

Je sens qu'elle a besoin de mon approbation et, bien que secouée par la révélation qu'elle vient de me faire, je ne peux qu’acquiescer: "Oui, je peux comprendre ce que tu as ressenti. Est-ce que vous avez... Enfin est-ce que vous vous êtes... revues après ça?" Elle hoche doucement la tête, perdue dans ses souvenirs:"Nous nous sommes fréquentées plusieurs mois, veillant à être les plus discrètes possible. Devant les autres, nous dissimulions notre relation, la faisant passer pour de la simple amitié. Si le Clan ne s'en était pas pris à moi, qui sait comment les choses auraient évolué entre nous."

Je comprends mieux maintenant pourquoi elle tient tant à découvrir ce qui est arrivé à Breena. Je compte bien attendre que cette dernière soit endormie pour tenter à nouveau de lire ses pensée, lorsqu'elle ne sera pas en état de me repousser. Il faut que j'apprenne qui a manipulé son esprit et lui a fait croire que je lui avais fait du tort.

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