7 - "Une question de confiance" (partie 1)

Londres, mars 1892 

Cher journal,

Suis-je une mauvaise personne? Je peine à tenir ma langue concernant Jack, envers qui je nourris de plus en plus de soupçons... 

Il a terminé l'année blessé et son pied a mis longtemps à guérir. Il faut dire qu'il s'en est servi pour frapper un de ses collègues qui était, selon lui, "passé dans le champ au mauvais moment". 

Il n'a pas su se déplacer pendant plusieurs semaines.

 Et durant tout ce temps, plus aucun meurtre n'a eu lieu! Les gens ont mis ça sur le compte de l'absence mystérieuse de Sir Malcolm. Mais il ne s'est absenté qu'une semaine et plus aucune victime n'a été découverte pendant près d'un mois. 
Jack est revenu travailler en février et, deux jours plus tard, une jeune femme était retrouvée morte près de la Tamise. 

Tu dois te dire que je suis bien sotte de l'accuser pour si peu. Mais il y a plus!
Après avoir constaté l'étrange coïncidence, j'ai prêté plus attention au comportement de Jack.
Le lendemain de chaque meurtre, il arrive de meilleure humeur au travail et est plus calme pendant quelques jours. Etrange, n'est-ce pas?

Une petite voix dans ma tête me dit que je monte cette théorie à cause de ce qui s'est passé en fin d'année. Alors je te le demande: suis-je quelqu'un de mauvais? Tant que je n'ai aucune preuve, je parviens à me taire. Mais lorsque je le vois se rapprocher d'une autre fille, je m'en veux de ne pas aller l'avertir du danger. Tu sais... je me sens salie par ce qu'il m'a fait...

Je compte trouver des preuves de ce que j'avance. Tous les jours, je me dis que je vais le suivre pour savoir ce qu'il fait... et tous les jours le courage me manque. Et puis les meutres semblent s'être espacés... Mais je m'en veux de ma lâcheté.

Sir Malcolm s'est montré plus présent depuis son retour. Il passe plusieurs fois par semaine, soit-disant pour vérifier que nous prenons soin de son investissement. Mais j'ai l'impression qu'il y a plus. Il reste à nous observer, silencieux. J'aimerais savoir à quoi il pense! Il me fait toujours froid dans le dos mais, étrangement, je me sens plus à l'aise en sa présence.

Il a cet éclat dur dans le regard. On y décèle aussi autre chose... Comme s'il avait vu de nombreuses choses et vécu bien plus que ce que son apparence laisse deviner. Parfois, je le suprend à me détailler, comme s'il cherchait à lire en moi. Dans ces moments-là, je me sens mal à l'aise... mais je n'ai plus vraiment peur.

Souvent, je m'étends sur mon lit pour essayer de mettre de l'ordre dans toutes ces pensées qui tourbillonnent dans ma tête. Sans succès. C'est comme un bruit constant qui m'empêche de me concentrer. Et je dors toujours aussi mal, ce qui ne m'aide pas.
J'ai pris l'habitude d'arriver la première au studio, où je me sens moins vulnérable. J'y dors quelques heures en attendant Gaston. Il est vraiment sympathique mais son travail est moins inspiré que celui de Jack.

Je voudrais que quelqu'un vienne me tirer de cet endroit et m'emmène dans un lieu paisible où je ne serais plus seule. Je voudrais que quelqu'un veille sur moi.