5 - "L'éveil de l'ondine"

Londres, décembre 1891

Cher journal,

Nous voici déjà à Noël. Les rues se couvrent de blanc et le froid règne à nouveau en maitre.
Heureusement, grâce à Sir Malcolm, nos conditions de travail se sont grandement améliorées. Nous avons quitté notre vieil entrepôt insalubre pour un grand bâtiment en bon état. Il ne fait toujours pas chaud mais il n'y a plus de courants d'air glacés ou de l'eau qui fuit du plafond.


Je n'en revenais pas quand j'ai découvert nos nouveaux locaux et appris qui les avait financés. C'est presque impossible de concilier cet acte de gentillesse avec les rumeurs de bestialité qui courent sur sur lui! Les gens disent maintenant qu'il fait venir chez lui des femmes de petite vertu pour les brutaliser. En plus des meurtres qui se produisent toujours régulièrement. Dans le quartier, les gens sont intimement persuadés que c'est Sir Malcolm qui en est responsable.


Jack me répète souvent que je suis bête de prêter attention aux rumeurs. Les autres filles disent aussi que ce sont des racontars. Mais sir Malcolm m'a tellement terrifiée lors de notre unique rencontre que je ne peux qu'y croire. Parfois, je me réveille en sursaut pendant la nuit, persuadée d'avoir entendu une femme hurler. J'ai alors l'impression de voir ses yeux jaunes qui me fixent derrière la fenêtre. Une fois j'ai même allumé ma chandelle pour mieux voir dehors mais il n'y avait rien.


Il n'est pas rare que je ne dorme qu'une heure ou deux par nuit. Le moindre craquement me fait sursauter, le plus petit éclat de voix me plonge dans la terreur. J'arrive souvent fatiguée au travail. Mon travail s'en ressent et cela rend Jack furieux.


Comment ais-je pu me croire amoureuse de lui? Depuis que ses photos ont moins de succès auprès du grand public, il est devenu carrément violent. Aujourd'hui, il a cassé un élément du décors et m'en a envoyé un autre à la figure. Heureusement il m'a ratée! Si ce buste en bronze m'avait touchée, j'aurais pu dire adieu à mon emploi... et à la vie!


Ce sont des crises de rage à chaque séance. Il s'est même emporté contre Sir Malcolm qui était passé à l'improviste. L'autre jour, après m'avoir crié dessus toute la journée, il a tenu à me raccompagner. J'ai cru qu'il voulait se faire pardonner. Quelle gourde!


Quand nous sommes passés près d'une ruelle mal éclairée, il m'a poussée dans un renfoncement et m'a embrassée. Il n'y avait dans son geste aucune tendresse, aucun sentiment amoureux mais une brutalité inouïe. Comme si j'étais sa chose, un pantin désarticulé entre ses mains. J'étais incapable de le repousser tant il me maintenait avec force. Je ne parvenais pas à émettre le moindre son pendant que ses mains s'aventuraient...


Heureusement il n'a pas eu le temps d'aller au bout de ses actes: un homme qui passait par là est intervenu et l'a envoyé bouler plus loin dans la ruelle. Je n'ai pu qu'entrevoir son visage quand il s'est retourné vers moi pour m'ordonner de fuir. Ce que j'ai fait sans un regard en arrière.




Le lendemain, Jack avait plusieurs contusions sur le visage et il marchait en boitant. De le voir dans cet état ne m'a inspiré aucune pitié. Il avait amplement mérité son sort! Il a refusé de travailler avec moi pour la nouvelle commande de Sir Malcolm. C'est Gaston qui s'en est chargé. Je crois qu'il a fait du bon travail. 

Commentaires

  1. j'ai pas commenté ici ? bon et bien soit, comme d'habitude les textes sont beaux. j'ai hâte de voir la story sur les fofos !

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